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Droits TV Top 14 : pourquoi Canal+ peut l’emporter

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Je viens de vous en parler sur l’Equipe 21 dans la nouvelle chronique média que je tiendrai tous les vendredi matin, mais en trois minutes seulement pas facile de faire le tour du sujet. Voici donc une analyse toute personnelle un peu plus poussée sur le sujet. Vous le savez, à parti du 1er septembre et jusqu’au 31 décembre, la LNR a la possibilité de sortir du contrat la liant à Canal+ jusqu’en 2016 pour renégocier les droits du Top 14. Elle va le faire, la décision devant être prise lors du comité directeur du 22 octobre. Et elle aurait bien tort de s’en priver.

D’abord parce que le Top 14, si l’on compare au foot, semble sous-payé, c’est une évidence : 31.7 millions d’euros par saison contre 607 millions par exemple pour la Ligue 1. 20 fois moins donc. Or le Top14 apparait aujourd’hui comme un championnat majeur de la discipline et très attractif. Et sans doute pas 20 fois moins que le foot.

Ensuite, parce que si en 2011, Canal+ était le seul acquéreur de ces droits, aujourd’hui l’arrivée de beIN Sport et de sa puissance financière laissent espérer aux clubs pros une très sérieuse revalorisation. Une aubaine lorsque l’on sait que les clubs pros ont connu un déficit de 1.8 million d’euros en moyenne en fin d’exercice 2012/2013.

La LNR a donc sous la main deux solutions. Soit casser purement et simplement le contrat, le découper en lots et procéder à un nouvel appel d’offres qui ouvrirait alors la porte aux ambitions de beIN Sport. Soit négocier directement une revalorisation avec son partenaire exclusif Canal+ qui, malgré un recentrage de sa politique d’acquisition vers des produits « premium » (meilleures affiches L1, Ldc, Premier league, F1) souhaite conserver l’exclusivité du Top 14. On est la chaîne du rugby ou pas ! Ces négociations, on doit vous le dire, ont déjà été entamées depuis plusieurs mois entre les deux parties.

La visibilité médiatique : un atout maître

Qui dit deux options, dit donc deux clans au sein de la LNR. Celui mené par 6 clubs de l’élite (Bayonne, Bordeaux-Bègles, Racing-Métro 92, Stade Français, Montpellier), le RC Toulonnais de Boudjellal en tête, qui réclament 100 millions par saison ! Somme que, selon eux, serait prête à mettre beIN Sport. Et de l’autre côté, le clan de ceux, un peu moins gourmands (Biarritz, Toulouse, Clermont, Brive, Oyonnax), qui aimeraient rester sur Canal, moins pour des raisons financières – mais moyennant tout de même une revalorisation très importante – que pour des raisons de visibilité. Et c’est là l’atout de Canal+ aujourd’hui dans le dossier : l’audience.

En effet, la saison dernière le Top 14 a attiré 726 000 abonnés de moyenne pour les affiches de Canal+ et a établi un nouveau record d’audience à 1 612 000 téléspectateurs pour la demi-finale Toulon – Stade Toulousain. Soit plus que le nombre d’abonnés à beIN Sport actuellement, qui revendique 1,5 million, dont 80% pour le foot.

Les « pro bein » rétorquent déjà que si le top 14 file sur beIN, les abonnés suivront. Oui, et même massivement, puisqu’il n’est pas impensable d’estimer à plusieurs centaines de milliers les vrais accros au ballon ovale abonnés Canal. En interne, certains journalistes estiment à 400 000 le socle de ces fidèles. Il suffit de regarder les audiences pour s’en apercevoir, de toute façon. Un exode qui serait catastrophique pour Canal+. Mais encore faudrait-il pour les récupérer intégralement que beIN obtienne l’intégralité de la compétition car, dans le cas contraire, ils seraient sans doute beaucoup moins à migrer pour une seule offre de type « Rugby+ » par exemple, si les affiches restent sur Canal. Et, toujours pour des questions de visibilité, nombreux sont ceux à la LNR qui ne sont pas pour une dilution des droits du Top 14 entre différents diffuseurs. L’enjeu semble donc bien l’exclusivité des droits pour l’un ou l’autre.

C’est parti pour la grande partie de poker menteur

L’atout majeur de Canal+ reste donc son audience. Et la chaîne sait bien que la LNR, qui a déjà assez trimé ces dix dernières années pour faire du Top 14 un championnat attractif et visible, tient à cette exposition capitale. Les clubs aussi d’ailleurs, surtout les plus modestes. Car un passage sur beIN et donc mécaniquement une exposition moindre, pour le moment, pourrait également faire réagir les sponsors qui seraient en droit d’exiger à leur tour de renégocier les contrats : moins de visibilité, moins d’argent !

La LNR privilégie donc pour le moment la piste « Canal+ » et pourrait se « contenter » d’une revalorisation qui pourrait atteindre 60-70 millions d’euros par saison, mais avec l’assurance d’être vu par le plus grand nombre.

Et si le top 14 n’intéressait pas beIN Sport ?

Enfin, et c’est l’énigme de ce poker menteur, la LNR doit se poser LA question : et si le Top14 n’était pas une priorité pour beIN ? Aujourd’hui en tout cas ?

Ok, certains aiment rappeler que les journalistes de beIN Sport étaient présents lors de la conférence de présentation du Top 14 saison 2013/14. Et alors ? C’est leur boulot, non, puisqu’ils diffusent du rugby et même des matchs de préparation du Top 14 cet été ? D’autres ironisent sur le lieu de cette présentation, L’Institut du monde arabe, en y voyant un signe… Mais, la chaîne, elle, n’a jamais officiellement marqué son envie de monter au front pour se l’approprier. Intox ? Pas obligatoirement.

Car au-delà de l’acquisition, il faudra aussi produire les matchs (et le cahier des charges de la LNR est contraignant et onéreux, même pour les matchs de Rugby+, puis il faudra engager des journalistes). La facture s’annonce donc un peu élevée.

Souvenez-vous aussi de l’attitude de beIN Sport lors de la remise en jeu des droits tv de la Premier League, le plus grand championnat de foot au monde, lui aussi vecteur d’abonnements. La chaîne avait beau dire que ce n’était pas une priorité, tout le monde pensait qu’elle allait fondre sur les droits – et elle en avait les moyens. C’est pourtant Canal qui les a conservés. Idem pour la F1, autre produit « premium » de passionnés mis en jeu récemment.

beIN Sport passera à l’attaque dans trois ans ?

Après avoir fait peur à tout le monde en mettant le paquet – d’euros – sur le foot (L1, ligue des champions, Europa Ligue, L2…), beIN a contraint Canal à concentrer ses moyens sur du qualitatif et, donc délaisser certains autres droits… que beIN s’est empressée d’acquérir sans batailler, donc sans payer trop cher : NFL, NBA, Ligue des champions de Hand, Rugby à XIII, et j’en passe. La chaîne s’est constitué alors un catalogue à la fois quantitatif important et assez attractif pour de nombreuses niches de passionnés prêts à payer seulement 11 euros, sans engagement. 1,5 millions d’abonnés en un an, c’est tout de même pas mal parti de zéro.

beIN poursuit actuellement cette stratégie avec l’acquisition du championnat de hand allemand, les championnats du monde de judo, la foot portugais et, pourquoi pas dans la foulée, l’Euroligue de basket, les droits du tennis ATP masters 1000 et 500, Roland-Garros, Wimbledon, voire la saison prochaine de la D1 de hand ou encore de la Pro A, autres disciplines que pourraient délaisser Canal+.

Ce faisant, beIN, qui rappelons-le n’a qu’un an d’existence, peut assez vite atteindre les 2 millions d’abonnés et plus. Une fois ce socle consolidé, et le prix de l’abonnement peut-être un peu augmenté, il sera alors temps de sortir l’artillerie lourde pour aller vraiment chasser sur les terres de Canal+ : la L1, la Premier League et le Top 14. Mais pas avant trois-quatre ans, le temps justement que se donne beIN Sport pour être à l’équilibre.

Enfin, la chaîne d’Al Jazira n’a peut-être pas envie que la guerre des droits engagée depuis un an prenne une tournure « extra-sportive ». N’oublions pas qu’elle a déjà investi entre 350 et 400 millions d’euros environ pour des rentrées très inférieures (1,5 M d’abonnés x 11 euros, faites le calcul ! Et encore ce sont environ 7 euros qui reviennent à la chaîne et non 11) et que Canal+ a porté plainte cet été pour concurrence déloyale. En investissant 70 à 100 millions d’un coup sur le Top 14, cela pourrait alors déclencher d’autres mécanismes, plus politiques cette fois – il ne faut pas tuer Canal+ ! -, que beIN n’a sans doute pas envie de réveiller.

C’est pour toutes ces raisons que Canal+ possède de bonnes chances de conserver le Top 14 pendant encore trois ou quatre saisons.

Et si beIN prenait la Pro D2 ?

Mais, et je lance l’idée, si beIN Sport veut se faire la main sur le rugby à XV, et se construire une légitimité, elle serait bien inspirée de lorgner sur une autre compétition : la H Cup, bien sûr, que se partagent actuellement France Télévisions et Canal+, mais aussi et surtout la pro D2. On ne sait d’ailleurs pas si la renégociation du contrat envisagée par la LNR pourrait inclure celui de la Pro D2, que diffusent actuellement Sport+, Eurosport et France 3 Régions. Un seul diffuseur, une meilleure visibilité, et de l’argent dans les caisses.

D’autant que d’après les statistiques délivrées par la LNR à l’occasion de la présentation de la saison 2013/2014, c’est une compétition loin d’être ridicule. Que ce soit en termes d’audiences ou en termes d’affluence et de popularité, et bien sûr sportivement avec des clubs proches du niveau de l’élite. La saison dernière la Pro D2 a attiré :

86 000 téléspectateurs en moyenne (+25% par rapport à 2011/2012) sur Eurosport Meilleure audience : 148 000 téléspectateurs

80 010 téléspectateurs en moyenne (+7% par rapport à 2011/2012) sur Sport+ Meilleure audience : 167 000 téléspectateurs

245 333 téléspectateurs en moyenne (+20% par rapport à 2011/2012) sur France 3 Régions Meilleure audience : 371 000 téléspectateurs

Voici donc une partie de poker dont les vrais amateurs doivent se délecter. Et comme je ne sais pas jouer au poker, je vous laisse dresser vos stratégies vous-mêmes. Vous avez les cartes en main.


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